Article de J-Paul Gavard-Perret dans le Salon littéraire



Cécile Hug : forêt des songes





 Qui n'est pas poursuivi par le fantôme de l’intimité féminine ? Autour de lui louvoie une forme de volupté. Cécile Hug la modifie. A travers « sculptures », textiles, photographies le pubis devient aporique. Il est recomposé d’insectes, de végétaux, etc. liés à la broderie, au dessin, au collage. Pilosité, prolifération proposent des approches différées selon des mises en scènes qui tiennent d’une forme particulière d’herbier. Et si depuis Courbet l’entre jambe est devenu la question centrale de l’origine du monde Cécile Hug la traite avec un naturalisme particulier et pluriel : la complexion charnelle se double d’un rempart de brindilles.



L’artiste  poursuit ce travail depuis plusieurs années. L’épreuve de la suggestion permet de retrouver l'essence même de la féminité par diverses matières. L’image du manque n’appelle pas forcément le jeu érotique. La force de la vie surpasse celui du « simple » désir. Cécile Hug l’« habille » puisque ’évidence de l’ « objet » érotique est renvoyée à  un ordre cosmique. Il n’obéit plus à l’appel au plaisir et à son abandon mécanique.



Chaque œuvre devient un miroir paradoxal. L’image « rêvée » est remisée. Le végétal joue soudain un rôle d’une germination de réserve et de symbolisation. Emerge  une « partition » éloignée de ce qu’une telle monstration généralement appelle. Au sein d’assemblages sauvages et élémentaires tout se passe comme s'il fallait éviter une lecture purement abstraite ou érotique.



Ce travail apparaît aussi abrupt que sensible  en ses diverses ondes de résonance. Surgit un espace d'harmonie et de contrepoint. Il  fait du lieu de l’entre jambe non une relique ou un reposoir. Il s’ouvre à une perméabilité impénétrable mais fortement poétique propre à métamorphoser les éléments constitutifs de l’image.

J-Paul Gavard-Perret

Cécile Hug, « L’entre jambe », texte de Marie-Laure Dagoit, éditions Derrière la salle de bains, Rouen, 2014